même en silence, tu n’as jamais cessé d’obéir. quand dionne a abandonné son sang pour idolatrer son propre coeur, perfide, toi - toi dans la haine la hargne le désespoir la jalousie : tu as obéis.

si la mort te guette, dionne surveille, elle aussi. tu t’en es convaincu, depuis l’enfance. ce qu’hébé ne saurait jamais faire, ta sœur s’en est accommodé les tâches.

t’aimer aussi, malgré tout.

alors son absence t’a détruit, mais moins que son retour : si elle avait prévenu quelqu’un ce n’était pas toi. mais pourquoi ?

qui parmi ces hypocrites sauraient mieux que toi fêter sa trahison en ces terres si sacrées ?

alors peut-etre dionne, comme hébé, n’avait pas su t’aimer, malgré tout.

tu ne pouvais t’y résigner.

sans un ordre, inlassablement, tu as obéis à son désir muet. tes pieds lourds ont laissé leur trace sur la ville que tu arpentes. tu te rappelles un bref instant du chaos qui semblait se préparer, mais rien ne te paraissait plus destructeur que ta propre déchéance. il est vrai que nausikaa n’était pas prête à subir ta colère — l’île peut bien s'entraîner à survivre avant que tu ne t’acharnes sur elle.

l’autre monde te fascine. new-york est un terrain de jeu pour toi, c’est ici que tu fais vivre les fantasmes des demi-dieu : alexander, terrible assassin ? tu n’as jamais tué que des hommes !

tu n’es pas le meilleur des clients au casino ; ces tables de jeux ne te servent que d’accessoire à tes rendez-vous criminels. tes yeux fatigués cherchent des visages familiers, sans réussir à en dénicher aucun. c’est une voix, moins étrangère que les traits de tout ce monde qui t'interpelle. on rit de ta présence, précise que ça fait longtemps qu’on a pas ressenti la lourdeur de ton pas calmer ce sol qui toujours tremble sous les sautillements. tu balayes la discussion, explique ta venue. voilà qu’on s’absente pour aller l’appeler.

tu t’avances, t’extirpe du bruit pour rejoindre le couloir qui scellera votre rencontre. et la voici. les minutes avaient pâli de l’attendre mais toi tu étais inchangé. un monstre.

sa silhouette se dessine à l’horizon. ta mémoire flanche mais ta vue est parfaite : de loin et même si elle se rapproche, tu la trouves
laide.

il fallut qu’elle se fonde dans tes bras pour que tu ne la dévisages plus, serrant son corps contre le tien — elle paraît si frêle, si facile à casser. tu l’entoures de tes bras, forçant l’étreinte pour mieux la sentir contre toi. ton visage surplombant le sien, tu sens ses cheveux, et, ah. tu voudrais
lui bouffer la tête.
lui briser la nuque, lui tordre les bras, lui arracher la langue et les yeux,
dévorer cette sœur pour qui tu as survécu si longtemps pour qu’ensemble vous ne seriez plus jamais séparé.

un simple soupire extrait cette pensée diabolique, puis tu la relâches.

« pourquoi doutes-tu de moi dionne. personne dans cette famille ne donnerait le moindre centime pour toi, à part moi. alors pourquoi c’est à moi, que tu fais le moins confiance ? »

d’une main tu saisis sa mâchoire, distingue chaque détail de son pauvre visage… c’est à cet instant, éphémère mais puissant que tout prend sens : depuis tout petit tu existais pour dionne mais dionne n’avait jamais existé.