il faut les voir pour le croire; tous ces guerriers nobles et droits, le sang bouillonnant d'adversité, les regards rivés sur l'honneur, le triomphe et la gloire. c'est quand ils sont réunis que seraph se sent le plus puissant, le plus à même de leur promettre l'univers en échange d'un bien léger sacrifice - celui de leur vie pour son ambition.
le menton appuyé sur le dos de sa main, il arbore son éternel air morose, et la fumée de la cigarette coincée entre ses lèvres semble peintre une sorte de lugubre portrait. les derniers jours ne lui ont pas été cléments mais l'appel du devoir ne connait pas l'indulgence.

fidèle à lui-même, midas frémit, ne bouillonne pas tout à fait: altier, martial, il intime au silence d'une voix qui ne laisse pas place au compromis, et seraph le remercie d'un hochement de tête. bonsoir à tous... le ton est aimable: son bras-droit s'est chargé de la dureté punitive, alors le chef s'occupera de les caresser dans le sens du poil.
j'en viens aux faits. comme vous le savez, j’ai été absent. je suis de retour depuis quelques jours et je réalise que nous sommes dispersés, désunis. pourtant, nos ennemis ne manquent pas.
l’arène, notre institution, est convoitée par les olympiens. cecil fait joujou avec les gladiateurs, modifie les règles, leur alimentation… un court instant, un coup d’oeil échangé avec midas. je m’en suis chargé pour le moment. mais ce n’est pas tout. les olympiens sont loins d’être nos seuls ennemis. il existe plus dangereux, plus puissant et plus impitoyable.
loin de lui l’envie de revenir sur la façon dont s’est conclue sa dernière mission. si les spartes sont capables de parler sans user des poings, alors les bruits courent comme partout ailleurs.
il faut se reprendre, et vite. où sont nos alliés? nous n’avons que nous-mêmes. alors pourquoi ne sommes-nous pas plus nombreux? pourquoi ne sommes-nous pas plus en colère face à l’affront?
le silence retombe et, sous son poids, la dernière question semble résonner dans les souterrains.

il s'y attendait. les questions fusent, les opinions s'enchaînent et s'entrechoquent. fidèles à eux-mêmes, les spartes ont le sang chaud et l'écoute volatile - si certains y font exception, l'atmosphère n'en est que plus accablante. dans l’obscurité des souterrains, les propos se dissolvent et se perdent. si tous s’accordent à dire que les olympiens n’ont rien à faire dans l’arène, la menace qu’ils représentent ne fait pas l’unanimité. l’arène, c’est leur territoire, leur champ de bataille. de son sable parfois souillé de sueur et de sang, seraph a pu renaitre de ses cendres. les mesures drastiques, ils les prendront. mais comment ?
il porte sur ses épaules une réalité dont il n’a pas voulu : celle d’un clan qui cultive le chaos comme finalité. loin d’être comblé par ce désordre, il ne le considère que comme un outil, nécessaire, instrumentalisé au profit de la conquête. ce qu’il veut, c’est être puissant. titiller les nerfs n’est qu’une étape, si dérisoire dans sa quête de divinité.
ce qu’il aimerait que ses membres soient raisonnables; c’est après tout une vertu qu’il cultive et vénère. s’il avait le choix, il ne les consulterait même pas. mais pour gouverner, il faut rassembler, et pour rassembler, il faut provoquer, exciter, embraser. les règles du jeu ne lui plaisent pas mais il a conscience de devoir faire avec : conciliant, faux même, il dissimule sa destinée derrière le noble habit du moralisme.
la politique, la haine, la peur et la colère sont nécessaires mais éphémères.
nous avons une mission dit midas, et seraph regarde ailleurs. qu’il galvanise la foule, lui qui y prend plaisir, qu’il fasse miroiter des promesses d’héroïsme et de batailles tragico-divines : ils ont besoin de ces chimères. pas de demi-mesure, insiste-t-il, sans surprise. impénétrable, seraph ne laisse rien paraitre, même à la tape dans le dos qui éveille en lui une animosité assassine, irrationnelle. en liberté, sans collier de dressage, midas ne ferait pas qu’aboyer; il ne faudrait pas qu’il tombe sur plus gros que lui. ou pire, qu’il morde la main qui, si gracieusement, le nourrit. loin de lui l’envie d’avoir à le faire piquer.

lorsqu’il laisse place au silence, c’est pour restaurer cette discipline, cet ordre. il les maintient en haleine pour la simple satisfaction de les observer pendus à ses lèvres. les surplombe et en profite, lui qui n’éprouve rien que du dédain et de la lassitude pour tout ce qui ne lui permet pas de garder les yeux rivés sur son but.
il est vrai que cecil n’est pas à la hauteur de l’arène. mais il ne lâchera pas l’affaire pour autant. je veux qu’il soit incapable d’y mettre un pied. sans appel, il déploiera les mesures nécessaires.
quant aux périls plus lointains et moins tapageurs, ils sont de ceux qu’il invoque afin de rassembler, d’instiller cette rage insidieuse qui échauffe et agite. les égarés ne font pas le poids face à nous. ils ne sont pas un danger, mais une cible. je désignerai certains d’entre vous pour descendre dans l’atè district. et cette fois, le regard qui se pose sur midas n’est pas celui d’un complice mais d’un supérieur. il envisage de le punir, de le priver de sa source d’adrénaline. et non, je ne parle pas de passages à tabac gratuits, comme certains s’en sont accoutumés. nous ne sommes pas des tyrans ou des bêtes sauvages. je parle de descentes organisées. le but ? intimider, oui, faire acte de présence, sûrement, agrandir nos rangs, dans l’idéal. nombre d’entre eux n’ont ni modèle ni dessein. nous en profiterons. simple constat stratégique dénué d’une quelconque cruauté, il est calculateur sans s’en dissimuler. là où d’autres contemplent un théâtre humain, il ne perçoit qu’un vaste échiquier aux pions mal positionnés. recruter, c’est un acte de générosité. nous donnons l’opportunité à des êtres faibles et retors de devenir forts et droits. ne l’oubliez pas.
puis les jambes se décroisent, la posture se fait plus solennelle, plus martiale. et que ce soit clair pour tout le monde… il est temps d’aborder le non-dit, cet ennemi abstrait et insaisissable qu’ils ont la prétention de pouvoir appréhender, eux qui ne savent rien, qui n’ont rien vu et rien touché.
au fond de la rétine, un feu sinistre qu’il révèle à tous. un avertissement. vous vous trompez si vous pensez que notre simple volonté suffit à abattre tout obstacle. je suis revenu les mains vides, peut-être, mais c’est une hydre que j’ai croisée. s’il n’aime pas obéir à divine, il le nomme tout de même, ce monstre - les mots consacrent ces dernières nuits peuplées de cauchemars et de sueurs froides. alors si vous pensez être de taille ou faire mieux que moi, je vous en prie, prouvez-le, qu’on dissipe vite ce malentendu.
il aime penser que les spartes sont impulsifs, pas inconscients.
mettre les pendules à l'heure, certes, mais surtout leur intimer le besoin d'une vision sur le long-terme : ils ne vaincront pas s'ils tiennent absolument à en découdre tout de suite.
si les batailles sont cruciales, c'est la guerre qu'il faut remporter.
pour ceux qui tiennent tant que ça à se suicider, le fil de ma lame fera l'affaire. en attendant, mes directives sont celles-ci : nous devons nous concentrer sur nos appuis, nous étendre et nous renforcer. la fin justifiera les moyens.

descendre dans l’atè. satya se propose et seraph incline la tête sur le côté, lui échange un regard entendu. enfant d’aphrodite, a-t-il la trempe d'un persécuteur ? certains y voient l’occasion de brutaliser de l’égaré; d’autres ont le dessein de se faire justicier parmi les guerriers. tous se trompent. mais seraph ne sera pas celui qui dissipera leurs chimères. midas est là pour ça.
les propositions fusent et tous s’efforcent de paraitre indispensables. la patience s’érode, la température monte encore d’un cran. même pour le chef, il se met à faire chaud - il la ressent des entrailles au bout des doigts, cette faim d’action - de violence. vous avez peur de quelques égarés peut-être ? cinglante, la question fait claquer le fouet de son arrogance. je vous parle de potentiel, vous vous souciez des possibles répercussions. j’ai l’air intéressé ? d’un geste de la main, il intime au silence. nous recruterons. et je répète, les moyens déployés sont accessoires. la finalité seule compte. midas se rend utile, il affirme haut et fort ce que seraph doit lui-même taire : le clan sparte s’accommode peu des formalités, chevauche le tumulte du brutal - c’est qu’il lui a échappé, ce dessein, entre mensonge - nécessaire - et violence - indissociable de sa nature.
si le nom de l’hydre a allumé une étincelle dans les yeux de plus d’un, ce sont les mots de divine qui interpellent. (elle a déjà rencontré la créature, elle a survécu pour en témoigner. comme lui.) les monstres, en voilà un sujet sur lequel ils pourraient s’attarder - mais heureusement, dissipés et échauffés, ils n’en font rien. presque tout de suite, la fureur rebondit, encore une fois, trouve un autre catalyseur. à l’intention de moon-lee, le regard de seraph se fait acéré, plus dur que celui qu’il lui accorderait en privé - toujours impitoyable face au nombre. il n’y a rien à dire à cecil que je n’ai pas déjà dit moi-même. il l’a déjà asséné une fois, n’aime pas avoir à le refaire: c’est qu’on douterait de l’efficacité de son intervention? l’agacement, déjà réveillé par l’audace du bras-droit un peu trop excité, met la patience à l’épreuve. cecil n’entre plus dans l’arène, voilà tout. pas de concessions - et tant pis pour les idéalistes qui espèrent pouvoir se passer de violence. je pense que les olympiens seront préoccupés, eux aussi, très bientôt.
le corps entier pris du bouillonnement de celui qui ne pense qu'à en découdre, il balaie des yeux cette assemblée qu'il préférerait ne pas avoir à réunir; s'il le pouvait, il s'autoproclamerait de rang divin, tout de suite, et régnerait sans merci. (la colère provoquée par l'ego fragilisé a souvent les accents de la mégalomanie). midas dit vrai. la langue brûle déjà de cette affirmation. je vous demande votre avis, certes, mais les ordres, eux, sont indiscutables. j'apprécie ceux de vous qui le comprennent. nous nous déploierons dans l'atè district; nous garderons les olympiens en retrait de nos institutions; et non, nous n'irons pas négocier avec eux autour d'un thé. n'oubliez pas qui nous sommes. quant aux monstres, il n'y a rien à faire pour le moment, si ce n'est rester sur nos gardes. je tenais à ce que nous avancions en toute connaissance de cause à ce sujet. un flottement, le crépitement ténu de la cigarette qui se consume entre les lèvres. nous sommes des êtres forts et droits. le monde, ultimement, finira par se plier à notre volonté. puis un soupir, qui relâche la tension formidablement contenue du corps. c'est tout.