ikal n'a pas beaucoup parlé sur la route. déjà parce qu'il connait peu leslie, ensuite parce que sa reconnaissance s'est rapidement muée en vague culpabilité ; ainsi il lui semblait déjà qu'il abusait de sa gentillesse. dès leur arrivée, ils se sont séparés : leslie retrouve ses adelphes, ikal part à la recherche d'arden - son radeau, ou plutôt son ancre,
toujours est-il que quand il la trouve c'est presque hâtivement qu'il lui saisit la main ; lui souffle dans le creux de l'oreille avec l'intimité qui leur est coutûmière : je t'aime. joyeux anniversaire, et le baiser qu'il dépose sur sa joue colore déjà les siennes d'un émoi candide. j'ai un cadeau pour toi, qu'il préfère lui offrir à l'abri des regards, cela est sous-entendu. de son sac orange à l'effigie de garfield, il a sorti un petit pot dans lequel s'élèvent bravement les premières pousses d'une plante. c'est une... uh.. une ceropegia, je crois, une chaîne de coeurs. pour ton jardin. ça s'appelle comme ça parce que les feuilles sont en forme de coeurs. puis, comme pris d'embarras, il se dérobe presque tout de suite, l'air de s'excuser : je te laisse profiter. il aurait peur d'en faire trop et de donner à voir à tous le spectacle de son affection.

debout dans la cuisine, ikal reste planté là, un verre d'eau entre les mains. on dirait qu'il attend quelque chose sans savoir vraiment quoi. d'un coup d'oeil par la fenêtre et vers le jardin il aperçoit farrow ; fait mine de s'y rendre mais n'ose pas se mêler aux inconnus qui l'entourent dans la perspective de le rejoindre. puisqu'il ne peut pas s'abriter dans son ombre, il reste ainsi dans l'encadrure de la porte, arborant l'air effarouché d'un animal sorti de son environnement.

seraph s'est levé à l'aube, comme de coutume. il s'est mis en route à pied car cela lui semblait évident. il a d'abord sonné chez althea sans qu'ils n'aient eu besoin de se mettre d'accord, puisqu'il paraissait alors naturel qu'ils s'y rendent ensemble - le cadeau lui-même a été préparé à deux, avec le sérieux qui leur est propre. si l'absence de précieux facilite cette décision, elle s'ajoute aux manquements dont seraph se détourne encore avec préoccupation. ils n'en ont pas spécialement parlé : il faut dire qu'ils ne se parlent pas vraiment.
ils arrivent à l'heure, ou plutôt légèrement en avance, cela va de soi. on retrouve là une implication toute attentive dans laquelle il est facile de saisir l'importance qu'il prête à cet événement : s'il n'aime pas fêter les anniversaires, il conçoit que son goût n'est là d'aucune pertinence, qu'il s'agit d'arden, et que cela suffit. leur réconciliation est récente, alors quelque part, cela tombe bien.

il l'a saluée discrètement dès qu'il l'a croisée dans l'entrée, d'une étreinte brève et ferme à la joie très silencieuse. les voeux sont prononcés dans leur langue maternelle : bon anniversaire, il s'autorise même un sourire, comme soulagé d'avoir pu le faire avant que tout le monde ne soit arrivé.
il s'est ensuite dirigé vers le jardin, après avoir croisé abel auquel il n'a adressé qu'un signe de tête entendu. la chaise sur laquelle il s'assoit est comme découpée par les rayons méridiens, autour desquels se dessinent les ombres des feuillages. tourné vers les visages qu'il connait déjà, il dit bonjour en s'installant près de farrow et mistral, la posture volontairement désinvolte.
c'est son regard qui trouve cassiopée malgré lui. il se demandait s'il le verrait aujourd'hui. alors comme ça, tu n'as pas disparu, du moins pas encore. c'est une révérence qu'il ne lui accorde qu'en pensée, obstinément résigné à ne pas lui parler, pas ici, et pourtant ce sont ses yeux qui se sont fixés d'eux-mêmes dans les siens, étau sans échappatoire. qu'iel vienne le voir, si iel ose lui faire face. et sinon ? seraph pense à arden : il garde une conscience accrue de ce qu'implique cette journée. alors sinon, tant pis.