Il aime tant que ses étreintes font mal. Il aime sans distinction, tout son monde pareil, dévoué et infidèle. Il les aime vite et mal, ces autres moi, prêt à donner corps et âme pour jouer le rôle qui leur plaira; tant qu’iels l’aiment, ou juste posent leurs yeux sur lui, c’est bien suffisant, il leur rendra, l'hypocrite - mais, les squales auraient les dents qui rayent le parquet aussi, si on leur demandait de marcher, si on leur disait que leur père les a mal fait.
Au bord de ses sourires faciles et sans grande valeur, l'attente, qu’on lui dise s’il faut les étirer ou les rendre moqueur pour un public perché à ses lèvres, pendu à ses tirades qu'il déclame avec la ferveur d'un marin qui souhaite regagner les flots. Il ose le dramatisme, même en dehors de la scène, il n'a rien à perdre, tout est faux.

Âme bienveillante dans engeance démoniaque, a le cœur comme un trou noir qui souhaite aspirer les sujets de sa tendresse, les noyer par amour. Son intensité fait fuir les autres; les lames réclament un sacrifice et sa voix, douce comme le mouvement calme de la mer la nuit, emportera celleux qui veulent bien l'écouter et les coulera avec lui dans cet océan de miel qui ne demandait qu'à les avaler. Il ment, mais à la voix si bleue - comme s'il venait d'émerger et voulait y retourner, au pays des rêves - emmener tout le monde au fond avec lui, vous verrez, c'est fantastique, on y est tous rois, tous égaux.

Armand et ses promesses susurrées avec un sourire fatigué, un sourire comme les vagues, qui vont et viennent, un sourire vague, un sourire qui dit "je reviens", parce qu'il est là et ailleurs, sors la tête de l'eau, reviens sur le rivage et c'est bizarre, c'est brumeux, il y voyait plus clair dans sa trombine, pourtant, il n'y est pas toujours non plus. Il est là, comme un automate, il observe son corps et se demande s'il est à lui, ou s'il l'a volé à son reflet, ou si son reflet le lui a volé. Il est là, mais il croit qu'il rêve et, quand il rêve, il y croit, croit qu'il est réveillé. L'existence est un songe étrange, la ligne floue entre le rêve et la réalité c'est comme le sable et la mer; le rêve c'est la mer, et le sable, on ne le voit pas, mais il est là, on le sent sous nos pieds, il faut nager pour rejoindre le rêve, mais lui, il n'avait pas senti que, déjà, il n'avait plus pieds, et quand il revient sur le rivage, l'imbécile se laisse encore bercer.

C'est qu'il se sent plus cauchemar qu'homme, alors il préfère s'oublier. Il s'oublie dans ses rôles, il s'oublie dans ses rêves, il se crée un personnage qui convient à tout le monde, à jouer quand il quitte l'eau et doit réapprendre à marcher, oui, l'Armand de sable, son reflet, à son image, mais pas vraiment vrai. Ne pas savoir être autre chose que ce qu'on lui demande, c'est bien plus sûr, c'est aimer pour être aimé - et, il aime tant, il faut le lui rendre.
Pour un peu d’attention, l'Armand de sable, des yeux à amuser, il irait se mettre les spartes à dos, ne grandit pas, malgré le temps qui passe, n'a jamais changé, pseudo grand cœur, trop vide en fait, jamais assez - alors, il faut toujours aller plus loin, se donner en spectacle, au mépris des limites, car rien n'a d'importance, alors il ne connaît la valeur de rien - rien d'autre que les applaudissements, les rires et les encore. Les décors de son monde, en papier, il n'hésitera pas à les arracher, ils sont faux.

Il jouera, jusqu'à la fin, les héros tragiques, ceux qu'il aurait voulu être, mais ne sera jamais, parce qu'il s'en fiche, le vilain, s'il rêve, s'il ose prétendre à une quelconque ambition, c'est de planter la première larme dans le dos des bien né.es, de marquer les mémoires comme un brutus qui fait sa gloire d'une trahison infâme, de la chute d'un tyran à qui l'on osait pourtant dire "je t'aime". Les mots doux lui glissent des lèvres naturellement, mais il ment, il ment parce qu'il ne veut pas laisser les autres se réveiller et réaliser que tout était faux, qu'Armand n'était qu'un mauvais rêve, sa douceur un mirage derrière laquelle il attendait, poignard en main.