Naissance - La neige d’avril endormait la terre quand la déesse est venue, les bras lourds de ses enfants de chair et d’ichor. Trois filles, sans noms, déposées dans les bras de son amant d’une Lune, elle n’eut pas d’autres regards pour elles. Elles proviennent de la seule fois où Fujihito est venu au États Unis, bénissant un temple shintoïste ouvert à New York City, elle l'a aimé car il représentait la quintessence de ce qu'un homme dévoué à sa cause devait être.

Nadeshiko fut baptisée par le silence, regardant fixement l’endroit où sa mère fut.

3 ans - Fujihito n’a jamais été un homme à femmes, ni un homme tout court. On n’attend pas de lui ces histoires de cœurs complexes mais devant les visages “gaijin” de ses cadettes, on se met à chuchoter. Le regard pèse sur l’aveu de silence de l’homme alors Nadeshiko fut sa grâce. Le monde ne semblait pas avoir d’emprise sur ses yeux placides, ses mains rangées et son désintérêt pour l’enfance. La violence d’avoir déjà vécu imprimée sur les traits malléables de Nadeshiko. Orihime crie sur les oiseaux, Mizuki erre entre les statues, Nadeshiko dessine. Peint cette première neige sur les débris des papiers, sur les angles délaissés des cahiers, sur les tatamis de sa chambre, mais tant qu’elle se tait.

5 ans - Entrée en primaire des triplées Mizoroge, on en devient superstitieux. Orihime  maudit, Mizuki bénit, Nadeshiko subjugue. Des rumeurs traînent sur les parquets, des histoires loufoques ou mauvaises, on dit que croiser le chemin de l’Orihime te conduit dans les bains de sang de l’enfer, on dit que le sac de la Mizuki te rendra heureux et chanceux et on dit qu’un sourire de Nadeshiko te rendra sien. Mais Nadeshiko ne sourit pas, tête baissée dans ses cahiers, désintéressée par ce monde tout entier. Ses sœurs lui suffisent, son père lui suffit, l’idée de sa mère lui plait.  

7 ans - Pendant la pause de midi, on l'encercla. Deux filles à l’air mauvais des doigts coincés dans la porte, une naissance ratée de leur part, diagnostiquait-elle sans un bruit. On l'attrapa par les épaules.
Nadeshiko leur aurait bien laissé ses épaules, démembrées par sa propre volonté tant qu’on la laissait à ses livres et ses dessins.
Dos aux grillages, elle fut secouée. Frappée par l'aluminium dans son dos. elle ne bronchait pas.
Et elles riaient, se riaient d'elles.


Nadeshiko ne savait pas parler, pas quand ses pas la ramenaient ici. Alors elle les regarda, les regarda avec toute la haine du monde, tout ce qu’elle voudrait imprimer dans leurs cervelles creusées par la bêtise de leurs vies.

Elles s’agenouillèrent devant Nadeshiko et elle n’eut ni joie ni plaisir.


10 ans - Festival des récoltes, bien habillées les petites Mizoroge. Nadeshiko gagnait la pêche et Orihime sifflait entre ses dents “Crève”. Comme une enfant. L’hôpital la sauva de peu, les poumons pleins d'eau et le regard horrifié de la cadette sur le corps défait de son aînée. Repliée contre son bras, Orihime la suppliait de l’aimer encore. De ses yeux placides, elle accepta. L’humanité pouvait bien être laide tant qu’elle avait ses sœurs.

11 ans - Loto gagné! Aux USA envoyées ! Le père ne les accompagne pas, attaché à son temple, il les fait chaperonner par l’une des tantes. Sur le tarmac, il le sent et il le sait, il ne les reverra pas avant longtemps. Alors il leur glisse que c’était un honneur de les avoir connues, Nadeshiko comprend et le serre dans ses bras. Tant qu’il l’a aimé un peu, elle lui sera fidèle. Arrivées au USA, elles sont rapatriées au clan.

12 à 16 ans - Revendiquées, protégées parmi les enfants de Niké, on se surprend à penser que Nadeshiko fait tâche. Silencieuse, terne, regard fixé sur le sol, on lui diagnostique sa timidité comme d’autres mentionneraient  une maladie. On ne sait pas, on se doute pas qu’un si grand groupe la rend malade, qu’elle se rappelle la sensation d’être différente à chaque fois qu’un autre enfant de Niké apparaît. Dans ses prières, elle supplie sa mère d’un autre signe, n’importe lequel. Elle qui lui a sauvé la vie tant de fois, elle qui lui a offert ce voyage loin du Japon, elle qui lui a donné ce Charisme, elle qui lui apparaît dans les songes à chaque neige.

17 ans - Une farce qu’elle prend comme acte de guerre, un enfant d’Arès qui menace un de ses frères et quelque chose se débloque. Une violence sanglante, une promesse faite à son elle si jeune “C’est parce que j’aime ma famille que je hais le monde” et elle use de ses dons. Charisme, influence, il tombe sous sa coupe, brandit ses poings liés à sa gloire. Elle s’en fait aimé, elle s’en fait respecter, lui promet Victoire et Triomphe tant qu’il la suit. Il lui jure d’être pour elle tout ce qu’un homme peut être envers une femme, et elle l’accepta.

Sa vengeance est lente.

18 ans - Humiliation pour l’enfant d’arès, délicieuse punition.

19 ans -  Il disparaît dans les bois et son cadavre se balance curieusement lorsqu'il est porté aux bûchers.

21 ans - Majeure, elle se porte immédiatement volontaire pour partir au temple de Niké comme prêtresse, cette nouvelle ne surprend personne.

23 ans - Qui l’a tué ? Fanée au fond d’une New York parcourue par la curiosité de voir le monde, elle ne saurait le dire. Elle est revenue au monde les poignées las et le souffle court, que s’est t-il passé ? qui l’a tué ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Elle se rappelle que de cette femme ou cet homme, de ce regard torve, de cette violence contenue, de ce qu’elle lui a promis en échange d’une idiotie, et du besoin qu’il ou elle crevait d’obtenir. Elle a rit, lui a dit qu’elle ne choisissait que les héros et les vainqueurs et

24 ans - Par sa volonté simple et son absolue certitude d’être au dessus, traumatisée par sa mort et son impuissance, elle s’hisse à la table des ambassadeurs. On la pressent pour le poste, celui d’auparavant se fait vieux et décrépi mais surprise, elle n’est pas l’élue de sa famille. Winnie l’est mais aucune colère anime ses yeux quand elle le félicite. Elle ne veut que le meilleur pour les siens après tout. Ses soeurs l'évitent et l'ignorent, l'aiment parfois car elle se veut douce. Mais Nadeshiko fait peur à celles de son sang.