Jour 1 (le début des temps) Hesperie danse avec ses sœurs dans le jardin. Elles mangent des pommes, boivent de l’ambroisie, et font le bonheur de leur père souffrant. Héra leur en veut d’ainsi se servir sur son arbre, et envoie Ladon pour les surveiller. La vie au jardin n’est plus jamais la même.
Le chariot du soleil fait des cercles autour du monde, mais le jardin reste le même. Les hespérides chantent, dansent et se battent. Les héros meurent. Quand une déesse vole une pomme, c’est elles qui sont punies. Rien ne change.
Jour 1 (haut moyen-âge) Un dieu lui propose un marché, une pomme contre sa liberté. Dans un mouvement de colère, elle abîme l’arbre avant de s’enfuir avec une pomme volée. Son plus grand regret. Sa plus grande fierté.
Jour 2 (haut moyen-âge) Hesperie erre sans but. N’ayant jamais imaginé quitter les limites du jardin, elle est prise au dépourvu par la complexité du monde extérieur. Fugitive, recherchée, la peur la pousse à fuir mais la nécessité fait qu’elle se rapproche des humains.
Jour 2 (haut moyen-âge) La famille qui l’héberge est hospitalière. Ils lui donnent un toit, des vêtements et en échange attendent d’elle de l’aide avec la maison et les enfants. Elle n’aime pas leur nourriture, mais aime l’odeur des linges propres qu’elle ramène sans peine gorgés d’eau de la rivière. Parfois elle a des absences, parle à des gens ou de choses qui ne sont pas là. Un jour, elle abandonne ses linges et se met à courir.
Jour 4 (haut moyen-âge) Elle est poursuivie. Cette pensée la hante et guide chacune de ses foulées. Quand elle oublie ou qu’elle est fatiguée, Hesperie se greffe parfois à un groupe d’humains le temps d’un répit. Au début elle donne son nom, puis alors que les années et les pays changent, elle en donne d’autres.
Jour 5 (haut moyen-âge) La communauté où elle s’est établie est paisible. Elle occupe avec grâce le rôle de simplette du village, jeune femme docile que les habitants traîtent avec un brin de moquerie mais néanmoins bienveillance. Sauf le fils de l’éleveur de chèvres. Il lui parle d’amour et de voeux et elle ne demande qu’à se pendre à son cou et ne plus jamais le quitter.
La maternité la prend par surprise. Son premier enfant meurt dans son ventre et elle a honte d’en être soulagée. Le second voit le jour au printemps et manque de ne pas survivre jusqu’à l’été. C’est une mauvaise mère. Elle oublie le nourrisson, le laisse dans son lit, dans les champs, sans nourriture ou linge propre pendant des heures. De frayeur son mari lève la main sur elle et, de frayeur, elle lui brise le bras. Elle s’en va dans la nuit, laissant fils et amant derrière.
Jour 8 (bas moyen-âge) Elle travaille depuis quelques années comme raccommodeuse quand un monstre attaque la cité. Elle s’enfuit sans combattre.
La fuite est son maître d’ordre. Une fois ou deux, l’ombre de Ladon s’est étendue sur elle et elle n’en a couru que plus vite. Là où elle s’arrête, elle aide où on lui demande et au fil des années Ophelie devient son nom. Mais elle ne reste jamais longtemps, jamais suffisamment pour voir ceux qui l’entourent mourir. Ou que elle ne peut vieillir. Ophelie vit seule, loin des humains, de leurs maladies et leurs religions. Les monstres ne sont plus la seule chose qu’elle doit fuir désormais.
Jour 8 (bas moyen-âge) Où qu’elle aille, ses pas la ramènent immanquablement vers l’ouest. Un jour, elle prend un bateau qui lui promet de traverser l’horizon.
Jour 9 (15XX) La terre est immense, qui s’étend dans toutes les directions à perte de vue. Mais pas assez grande si elle en croit les hommes venus avec elle par navire, pas suffisamment pour qu’ils la partagent avec ceux qui y vivent déjà. La guerre éclate, le sang abreuve la plaine et Ophelie s’enfuit à nouveau. Cependant la nature est nouvelle, différente de ce à quoi elle est habituée. Elle ne voit pas le puma qui lui ouvre les flans avant qu’elle puisse l’abattre.
Quand elle rouvre les yeux, elle est dans un tipi. Les humains de cette terre sont plus doux que ceux qu’elle a quitté. Ils ne la jugent pas sur ses absences, lui ménagent une place dans leur vie quotidienne sans lui demander d’explications. Ils ne s’effraient pas de ses connaissances trop nombreuses pour son âge et lui offrent leur propre savoir en échange. Une nouvelle fois, elle se dit qu’elle pourrait rester.
Ni eux ni elle ne se doutent de la sauvagerie des hommes qui sont arrivés avec elle.
Jour 9 (16XX) Pour la première fois, Ophelie se bat quand on vient lui arracher son foyer. Sa victoire ne les empêche pas de mourir malgré tout.
Jour 10 (17XX) A nouveau, Ophelia se retrouve à fuir les hommes. Immuable au milieu d’un monde en constant mouvement, on modernise son nom et rogne son identité jusqu’à la réduire à quelques caractéristiques physiques. Elle n’est plus le bon genre, elle n’est plus la bonne couleur de peau. Le puritanisme de l’ancien continent la rattrape sur le nouveau, et Ophelia part dans le nord et ses forêts insondables.  
Jour 12 (20XX) Il l’a retrouvée. Ophelia reprend sa course, terrifiée comme au premier jour. Qu’importe la distance qu’elle met entre elle et son passé, qu’importe les continents et les océans, il la rattrapera toujours. Il n’existe pas de mur qui puisse l’en protéger.
Jour 13 (2016) Ophelia passe les portes de Nausikaa pour la première fois. Elle n’est pas à l’aise à l’idée d’être entourée de héros en devenir à longueur de journée, et moins encore d’être à nouveau sous l'œil scrutateur des dieux. Mais elle ne sait plus où courir désormais. À l'ouest de l’île, un phare semble inoccupé.
Une nouvelle fois, Ophelia décide de s’arrêter.